VIDEO

lundi 1 mars 2021

Dakarmatin Commentaire de Baba Mr le Procureur de la République, Depuis une quinzaine de jours, le Sénégal est dans la tourmente. Des arrestations tous azimuts sont opérées sans discernement. Des pères et des mères de famille qui tentaient d’exercer un droit, que la Constitution leur reconnaît expressément, sont arrêtés et jetés en prison. Beaucoup parmi eux ont été arrêtés à la suite d’un traçage de leur téléphone par la SONATEL qui, semble-t-il, a été réquisitionnée pour cela. Pourtant, dans l’affaire Ousmane Sonko, des témoins oculaires ont déclaré avoir vu et entendu la plaignante, Adji Sarr, échanger au téléphone avec des complices mais aucun traçage n’a été commandité pour les débusquer. Ces jours-ci, l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko a été “levée” par l’Assemblée Nationale dans des conditions que l’intéressé qualifie d’irrégulières. Mais, le plus inquiétant dans cette affaire, c’est l’opinion qui en est née, selon laquelle une opération de démantèlement de notre système démocratique et de restriction drastique des libertés a été engagée depuis 2012, eu égard aux procès controversés de leaders de l’opposition et aux interdictions systématiques des marches et autres manifestations pacifiques. Depuis cette année 2012, on ressent qu’insidieusement, une main invisible essaie de faire glisser les populations de leur statut de citoyens vers l’état de “gens-sujets”. Il est évident qu’après avoir connu la liberté et une démocratie qui a permis la survenue de deux alternances, une tentative d’asservissement du peuple ne peut pas manquer de provoquer des troubles graves. Dans la mesure où cette tension qui s’avive chaque jour davantage a pour origine l’affaire Ousmane Sonko, je me propose de l’examiner sous l’angle strict de la technique juridique, sans aucune connotation politicienne. À cet effet, je propose d’évaluer d’abord la recevabilité de la plainte de Mlle Adji Sarr, ensuite, de vérifier la conformité de la procédure ayant conduit à la levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko. Concernant la plainte adressée au Commandant de la Section de Recherche de la Gendarmerie Nationale par Mlle Adji Sarr, dans laquelle elle vise les articles 292 et 320 du code pénal, il convient de relever que la menace visée par l’article 292 n’a rien à voir avec la menace dont parle l’article 320. Dans le premier cas, la menace constitue par elle-même un délit. Dans l’article 320, la menace fait partie des éléments constitutifs du viol. Elle n’existe que dans le cas où l’auteur du viol a une autorité morale sur la victime, ou une autorité hiérarchique. Dans les autres cas d’espèce, on parlera de contrainte ou de violences. Dans sa plainte, Mlle Adji Sarr fait cas de viols répétés mais confie à Mr Sidy Ahmed Mbaye qu’elle ne détenait aucune preuve concernant les viols qui auraient eu lieu avant la date du 2 février 2021. Donc, elle n’aurait pour preuve que le viol qui aurait été perpétré à la date du 2 février 2021. Mais, il se trouve qu’à la date du 2 février 2021, tout ce qui a pu se passer dans le salon de massage ne répond pas aux exigences de l’article 320 du code pénal dont elle a elle-même rappelé les termes dans sa plainte, disant qu’il fallait que “l’acte de pénétration soit commis par violence, contrainte, menace ou surprise”. En d’autres termes, il faut que l’acte de pénétration soit commis sans le consentement de la victime. Au terme de la loi (art. 320 CP), si la personne qui se dit victime suscite, organise, provoque sciemment pour quelque raison que ce soit (vengeance ou recherche de preuves) l’accomplissement de l’acte de pénétration, il n’y a pas viol. Or, il ressort de l’enquête préliminaire, que Mlle Adji Sarr avait tout prémédité en ce jour du 2 février 2021. Elle était même allée jusqu’à demander à son employeur d’appeler instamment Ousmane Sonko, ensuite elle s’était mise d’accord avec son complice, Mr Sidy Ahmed Mbaye, qui était resté à l’écoute. Par ailleurs, elle a tenté de porter atteinte à la bonne administration de la justice en offrant 100.000 francs à la deuxième masseuse, qui l’avait entendue converser avec ses complices, pour qu’elle ne témoigne pas. Dès lors, il peut être dit que par rapport à l’article 320 du code pénal, la plainte déposée par Mlle Adji Sarr est sans objet. S’agissant de la procédure qui a abouti à la levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko, il y a lieu de constater que dans les procès-verbaux d’enquête préliminaire, aucun fait délictueux ou criminel n’a été constaté par les enquêteurs qui avaient pour mission de faire des investigations afin de recueillir des preuves accusatoires qui établissent l’existence du viol (articles 48, 55, 57 alinéa 2 du code de procédure pénale). Les officiers de police judiciaire n’ont constaté que des contradictions dans les propos de la plaignante. Pourtant, le principe de légalité, qui est destiné à protéger les justiciables de l’arbitraire, exige qu’avant de rechercher un coupable, il faut d’abord que l’existence d’un fait, qualifié “crime” ou “délit” par la loi, soit constatée. Toutefois, en l’espèce, on dirait que pour les besoins de la cause, cette règle fondamentale du procès pénal ait été inversée. C’est ainsi qu’un réquisitoire introductif assorti d’une demande de placement sous mandat de dépôt a été émis, alors même que l’existence d’un viol n’a été nulle part constatée. C’est comme, qui dirait, placer Samba sous mandat de dépôt pour le vol d’un mouton dont l’existence n’a été constatée par personne. Il est évident que les auteurs de la demande de levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko étaient obligés de prélever des éléments dans la seule plainte de Mlle Adji Sarr pour meubler le réquisitoire introductif et pour motiver dûment un mandat de dépôt (article 130 du code de procédure pénale), parce qu’il fallait mentionner la qualification exacte des faits imputés à Ousmane Sonko et indiquer clairement les motifs pour lesquels il existe des charges contre lui. C’est dire que la levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko a été faite sur la base d’une forfaiture. La légalité ou principe de légalité dans une affaire pénale a une valeur constitutionnelle et universelle. Il s’impose même au législateur, qui ne peut pas édicter des lois pénales qui laissent aux tribunaux le soin de déterminer eux-mêmes leurs compétences, ni aux juges d’organiser eux-mêmes leurs procédures. En tant que donnée fondatrice du droit pénal, violer le principe de légalité, tel qu’il est décrit plus haut, c’est violer la Déclaration des Droits de l’Homme (article 8), le pacte international sur les droits civils et politiques (article 15), la Constitution (article 9), le code pénal (article 4), la Charte Africaine des Droits de l’Homme (article 6). Certes, le parquet reçoit des instructions, mais il n’est couvert que si lesdites instructions émanent de l’autorité légitime, c’est-à-dire l’autorité à qui la loi confère la compétence de donner des instructions de cette nature. Bien entendu que la loi ne donnerait à personne la compétence de donner des instructions illégales. Dans le contexte qui prévaut, il est important de se rappeler que tout pouvoir, qui se manifeste par des exactions et des injustices, réveille les passions assoupies et provoque des résistances irrésistibles. Il ne faut pas confondre la résistance à l’injustice et l’insurrection. Celui qui oppose une résistance à l’illégalité, à l’injustice, ne défit pas l’Autorité et ne lui dénie aucun titre car par sa posture, il en appelle seulement à la souveraineté du Peuple dont la volonté a été violée par la non application de la loi qui en est l’expression. Dans l’Etat, les conflits doivent être résolus, il est illusoire d’essayer de les éradiquer, d’autant plus que selon Kant, les opinions se nourrissent de l’acharnement qu’on emploie à vouloir les combattre

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire