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mardi 14 mars 2017

LE PAPE DE LA GUITARE A CASSE SA PIPE

dakaractu


Vendredi  10 mars 2017, Cheikh Tidjane TALL quitte ce bas – monde, laissant orphelin le peuple de la musique sénégalaise. Une perte nationale durement ressentie par l’ensemble  de la famille de la culture de notre pays ; en témoigne la tristesse qui s’est emparée de l’atmosphère de la levée du corps de ce génie de la guitare, en cette matinée du samedi 11 mars 2017, à la morgue de l’hôpital « Principal » de Dakar. Le monde de la culture sénégalaise, les mélomanes, la famille de l’artiste, le ministre - conseiller Youssou NDOUR et le directeur de cabinet adjoint du Président de la République, monsieur Seydou GUEYE, venus représenter le Gouvernement, ont joué leur partition dans le concert d’adieu, qui consistait à lui rendre un vibrant et dernier hommage.
Oui, ce barbu qui rappelle les grands musiciens de jazz afro - américains, ce bout d’homme, haut comme trois pommes, maitre dans l’art de jouer la guitare « solo », ou les claviers, a tiré sa révérence, à l’âge de 67 ans. Une surprise avérée pour le peuple de la culture qu’il a tant égayé, des années soixante à nos jours.
Avec feu Adama FAYE du « Super Diamono » des années 70, ils sont les deux musiciens qui jouaient concomitamment aux claviers et à la guitare « solo » qu’ils portaient en bandoulière. Ce qui était rarissime.
Grand Cheikh a traversé toutes les générations de musiciens. Du lycée Van Vollenhoven qu’il a quitté volontairement, écourtant ses études, il signait un bail avec la musique, pour en faire une profession qui ne connut de retraite que lorsqu’il fut terrassé par cette longue maladie qui l’envoya ad patres. Il avait opté pour l’assertion : « Point de retraite pour celui qui veut servir. ».
Oui, Grand Cheikh a été de toutes les époques, je dis de l’orchestre « Xalam I » lancé sur les fonts baptismaux par le professeur Sakhir THIAM dont le petit –frère « Bras THIAM » était le bassiste, au groupe « Sahel », avec ses compères Willy SAKHO, au même instrument, Seydina WADE, à la guitare « accompagnement » et non moins vocaliste, à l’image de Idrissa DIOP, Mbaye FALL et Pape Djiby B
Ȃ dont les envolées vocales ont émerveillé nombre de mélomanes de cette époque ; en passant par le « Xalam 2», aux côtés des clavistes Henry GUILLABERT, du bassiste Baye Moussa Babou, du saxophoniste Ansoumana DIATTA, du tromboniste Yoro GUEYE, des Chanteurs COUNDOUL et Moussa DIONGUE , et de l’exceptionnel batteur et leader incontesté Abdoulaye Prosper NIANG, arraché à notre affection.
Grand Cheikh n’en a pas moins joué dans ce mythique groupe du « Xalam » revenu au bercail après avoir impressionné le monde, par des prestations de haute facture, comme au mythique festival de Berlin, et lancé, avec succès, l’album « Gorée », dans les années 80, comprenant les morceaux « kanu » , « Djisalbéro », « Sidyella »… Il a toujours été présent, sans laisser indifférent. Ce fut aussi le cas, avec l’intégration de Souleyemane FAYE.
Sa maestria l’a fait jouer avec des sommités musicales mondiales connues de tous  comme le roi de la « pop – music », James Brown, Carlos Santana et j’en passe. Si ma mémoire ne me trahit pas, au début des années 80, lors de la venue d’un éminent groupe allemand de « Jazz », qui s’était produit au stade Iba Mar DIOP, dans un « show » nocturne, comme par hasard, il était monté sur le podium, avec sa  guitare  fétiche, de couleur rouge, de marque « Djibson », et ne manqua pas de plonger le public dans un état d’extase, du fait de ses envolées stéréotypées, dans un style jazzy, teinté de mélodies spécifiques à son doigté, dont il est seul, à en avoir le secret. Au point que les musiciens allemands, lui tirèrent le chapeau et parlèrent de « Master » Cheikh Tidjane TALL.
Je me souviens aussi de ses prestations à l’émission télévisée « Kaleidoscope » animée par Jacques  Césaire, où, il se produisait avec de grands instrumentistes dans un groupe dénommé « Question de temps », nous gratifiant d’une bonne musique de « Jazz », teintée de sonorités africaines. Si je ne m’abuse, il partageait la scène avec un certain Robert Lahoud.  Itou pour l’émission « Télévariété », animée par Maguette WADE, avec le groupe « Sahel » dont le morceau - fétiche était « Bamba » chanté par Idrissa DIOP.
Grand Cheikh ne s’est pas arrêté en si bon chemin, car il contribuera à installer la musique traditionnelle dans les pas de la modernité, dans le cadre d’une osmose réussie avec de grands artistes traditionnels comme le génie Ndiaga MBAYE, Khar MBAYE Madiaga, Kiné LAM, Dial MBAYE, Ndeye SECK «signature» de Thiès et tutti – quanti.
Grand Cheikh a toujours répondu à l’appel du devoir. Il a, récemment, à plusieurs reprises,  accompagné le groupe « Salsa – vision » du chanteur Balla NDIAYE, cette fois – ci, aux claviers, sur plusieurs scènes, aux côtés d’une autre icône, le saxophoniste, Thierno KOUYATÉ.
Grand Cheikh était un altruiste qui savait allier ses qualités humaines de rassembleur, d’affection pour ses parents, de générosité, de respect de l’autre, à une foi dans la rigueur qui a toujours fait corps avec sa personne dans son itinéraire musical, la profession qu’il s’est choisie et qu’il a honorée, durant toute sa vie. Il est, donc, aisé de comprendre son exigence démesurée qui le faisait passer pour un maniaque de ce métier, la musique bien faite. Celle qui est aux antipodes de la médiocrité  qui, quelque part, fait son petit bonhomme de chemin dans la sphère musicale du pays et qui mérite d’être combattue, il faut l’avouer. Cette rigueur est la raison de sa liaison professionnelle et amicale avec le jeune et talentueux guitariste, Pape Dembel DIOP, qui découle de la production du morceau « Demb ak tey » dont le vidéo - clip si original s’est singularisé dans le landerneau médiatique.
Grand Cheikh a tout donné à la musique. Il a arrangé. Il a enseigné la prépondérance de la rigueur dans tout travail bien fait. Il a encadré.  Il a produit et fait produire. Il a ooctroyé à la musique ses lettres de noblesse. Il a écrit les plus belles pages de notre histoire musicale. Si Cheikh Tidjane TALL n’existait pas, le Sénégal l’aurait créé. Dommage qu’on ne l’ait pas fêté de son vivant. Car il est, et demeure  un patrimoine du Sénégal tout entier.
Sûr que je suis, que sa voix d’outre – tombe ne prohiberait point qu’on se remémore son œuvre ou qu’elle soit classée patrimoine national. Dès lors, dans le sillage des efforts déployés récemment par le Chef de l’État, à l’endroit des artistes quant à leur posture sociale, comment ne pas lui suggérer de perpétuer sa mémoire, au regard de la dimension de ce « pharaon » de la musique ? Il mérite les honneurs dus au rang d’apôtre de l’histoire culturelle de notre pays qu’il est. Lui retourner l’ascenseur, proportionnellement, à son combat, à son œuvre, mérite réflexion, parce que non aisée. Mais ce serait tout simplement : « Rendre à César ce qui appartient à César. ». Je ne me permettrai point de douter sur son accès au panthéon de la musique.  
À son Excellence Monsieur le Président de la République ;
À la Première Dame, ne serait ce que pour son appui à l’endroit du disparu, durant sa maladie ;
À Monsieur le Ministre de la Culture ;
À toute la famille des artistes ;
À toute la famille TALL, pour ne citer que les doyens Babacar, Amadou Seye, mon ami, et à sa veuve Fatim TALL, nous présentons nos très sincères condoléances !
Que Cheikh repose paisiblement au « Firdaws » auprès du père Mory, de ses frères et sœurs, Baba, El Hadj,  Ndeye Bouya, Anta Niass… !
Que la terre de Touba soit légère au « talibé » qu’il était !
 
Mame Abdoulaye TOUNKARA
SICAP Dieuppeul

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