Qui est Harriet Tubman, la
première femme noire sur un billet américain ?
Par Robin Korda — 21 avril 2016 à 14:36
Photographie
d'Harriet Tubman prise entre 1860 et 1870, provenant de la
Bibliothèque du Congrès. Photo Reuters
Esclave devenue militante abolitionniste et combattante
durant la guerre de Sécession, elle a marqué l'histoire de la ségrégation aux
Etats-Unis.
On l’appelle Black Moses «la Moïse
noire». Née esclave en 1822, Harriet Tubman a aidé pendant des années des
dizaines, voire des centaines d’autres opprimé(e)s à traverser les routes
clandestines qui les séparaient de la liberté. Ce destin héroïque lui vaudra
d’avoir son visage imprimé sur les billets
de 20 dollars dans les prochaines années. Aucune
personnalité noire n’avait eu droit à cette reconnaissance jusqu’à présent.
Sa grand-mère, venue d’Afrique (probablement du Ghana)
débarque d’un navire négrier dans l’effroi ségrégationniste du Maryland, à la
fin du XVIIIe siècle. La famille qu’elle
fonde est séparée au gré du commerce d’esclaves des riches exploitants du coin.
A l’âge de 5 ans, sa petite-fille, Harriet, est louée par une femme
qui lui intime de veiller sur le sommeil de son enfant. Lorsque celui-ci
pleure, elle se retrouve fouettée jusqu’au sang. Sur sa peau, les cicatrices de
ces sévices ne s’estomperont jamais.
La grande
évasion
Les années passent, Harriet est désormais adolescente,
mais est toujours battue selon l’humeur des Blancs qui l’entourent. Une de ces
blessures va particulièrement influencer la suite de son existence. Après avoir
subi un traumatisme crânien, la jeune esclave est en proie à des visions,
qu’elle interprète comme des signes de Dieu. Elle-même s’est plongée depuis
quelque temps dans l’Ancien Testament, se berçant du récit de Moïse guidant les
juifs hors d’Egypte. Ses convictions religieuses s’en trouvent renforcées.
En 1849, alors que son maître vient de mourir,
Harriet Tubman réussit à s’échapper, laissant derrière elle ses frères et son
mari. Elle traverse un bout du Delaware et parvient jusqu’en Pennsylvanie,
enfin libre. Mais à peine arrivée, la voilà qui nourrit de nouvelles ambitions.
La jeune affranchie va fomenter une idée folle : élaborer des allers et
retours vers son ancienne terre pour en libérer des membres de sa famille, puis
de sa communauté. Elle estimera plus tard avoir guidé 70 esclaves vers le
nord. Certains spécialistes calculent, eux, que des centaines d’hommes et de
femmes ont profité de son expérience.
Au commencement de la guerre de Sécession,
en 1861, Harriet Tubman rejoint un groupe de combattants en Caroline
du Sud. Elle remplit le rôle d’infirmière, de cuisinière, puis de guide,
avant, deux ans plus tard, de former ses propres troupes d’espions. Ses
hommes partent en éclaireurs, cartographient le terrain des futures batailles
et des éventuels chemins de fuite. Leur expertise s’avère extrêmement précieuse
pour les régiments de l’Union.
Militante
antiraciste et féministe
Elle participe par ailleurs aux combats. En 1856,
le raid de la rivière Combahee, en Caroline du Sud, libère
700 esclaves dans une scène de chaos qui la marquera à vie. La lutte ne
prend pas fin en même temps que la guerre. La militante convaincue continue son
combat dans l’antiracisme, puis en faveur du droit des femmes. A New York,
Washington ou Boston, elle prend la parole pour revendiquer leur droit à voter.
Elle meurt finalement en 1913 dans un hôpital pour Afro-Américains qu’elle
avait elle-même contribué à fonder.
Sa mémoire, célébrée chaque année
le 10 mars, sera bientôt honorée par chaque billet
de 20 dollars mis en circulation aux Etats-Unis, une décision saluée
notamment par Hillary Clinton ou
encore Edward Snowden sur Twitter.
Parmi la liste des nouveaux visages qui figureront sur les billets
de 10 et de 5 dollars, on trouve par ailleurs
deux autres femmes noires : Sojourner Truth, esclave elle aussi
devenue abolitionniste, et Marian Anderson, première chanteuse noire américaine
à être montée sur la scène du Metropolitan Opera. Le design de ces nouveaux
billets sera dévoilé en 2020. Une année «anniversaire» : aux
Etats-Unis, cela fera 100 ans que les femmes ont le droit de voter.
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