VIDEO

samedi 6 avril 2013

Centenaire d’Aimé Césaire - Table Ronde du 22 mars 2013 « Aimé Césaire ou l’humanisme incarné dans la Cité »

Mot d’ouverture par Monsieur Abdoul MBAYE Premier Ministre de la République du Sénégal vendredi 22 mars 2013

Le Premier Ministre Abdoul Mbaye a présidé ce vendredi 22 mars la table ronde en hommage à Aimé Césaire dans le cadre des célébrations des cent ans de sa naissance organisées par la francophonie.
Mesdames, Messieurs,
C’est pour moi un grand honneur d’ouvrir cette table ronde et, autour de la personne et du souvenir d’un de leurs illustres devanciers, retrouver trois anciens élèves de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm invités à se pencher sur « Aimé Césaire ou l’humanisme incarné dans la Cité ».
Tel est l’intitulé de l’atelier qui nous réunit ce matin, à quelques heures de la clôture du Colloque international organisé dans notre pays pour saluer le Centenaire de la naissance du grand poète et homme d’Etat martiniquais.
Je voudrais, à l’entame de mon propos, et à travers Monsieur Hamidou Sall, remercier l’Organisation Internationale de la Francophonie du grand honneur qui m’est fait en me confiant la présidence de cette séance puisqu’elle constitue, à mes yeux, une des pièces maîtresses de cet hommage sur plusieurs jours rendu à Aimé Césaire, ancien élève du lycée Louis-Le-Grand et de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm.
La portée toute particulière de cette table ronde réside dans la réflexion à mener sur une thématique essentielle à l’analyse que nous devons porter sur la trajectoire d’un homme nourri au lait de l’humanisme et destiné à l’enseignement mais qui, par une nécessité historique fortement liée aux aspirations de son peuple, tombe en politique par devoir, et devient conducteur d’hommes dans la Cité.
C’est donc un regard à porter sur Aimé Césaire en sa double qualité d’intellectuel-poète d’abord, et d’homme politique ensuite. Et je songe alors à ce que son frère Léopold Sédar Senghor, notre premier Président, disait de lui-même : « Je suis tombé en politique par effraction ». Aimé Césaire, lui, fut happé par la politique lors de son retour au pays natal ; un destin l’y attendait.
Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor étaient avant tout des poètes, des créateurs. Par le verbe, ils savaient jouer avec la force et la puissance des mots pour leur donner une portée, une résonnance et une beauté rares. Ils ont exploré les arcanes de la condition humaine et appelé au respect des droits humains et des valeurs cardinales qui garantissent la liberté et la dignité de la personne dans un monde hélas créateur et spectateur de l’ignoble commerce triangulaire, de la colonisation, des guerres les plus meurtrières, de multiples formes d’aliénation, de la pauvreté persistante pour des millions d’êtres. L’humanisme du vingtième siècle aura par contre porté la marque indélébile du génie créateur, de l’ouverture d’esprit et de l’abnégation de ces grands noms.
Humanistes irréductibles, ils ont su porter la voix du peuple noir et celle de tous les autres peuples souffrants de la terre. Ils ont été la bouche de ces malheureux « damnés de la terre », exprimant et portant leurs souffrances, leurs douleurs et leurs espérances.
Ils resteront, parmi les plus grands poètes de la langue française, ceux qui ont écrit quelques-unes des plus belles pages de la littérature universelle. Mais ces grandes voix resteront aussi de magnifiques exemples pour des générations d’hommes et de femmes engagés au service de leur nation.
Mesdames et Messieurs,
Si Césaire, Damas et Senghor ont eu cette trajectoire et cette mission d’avocat et d’ambassadeurs du peuple noir, c’est parce que le hasard - si tant est qu’il existe - ou plutôt le destin, les a réunis dans ce Paris fébrile des années d’avant-guerre où ils se formaient. Et pour le Martiniquais et le Sénégalais, ce destin les a unis dans la cour d’un lycée parisien, sur la rue Saint-Jacques, en face de la vieille Sorbonne.
Mesdames et Messieurs, chers amis de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane,
En invitant le Premier ministre du Sénégal à venir prendre la parole ici et maintenant, les organisateurs de ce colloque ont eu la délicatesse d’inviter aussi, peut être même surtout, l’ancien élève du lycée Louis-Le-Grand.
Et honneur ne pouvait être plus grand, pour moi, que de me retrouver à cette table parmi d’éminents intellectuels, également anciens du lycée Louis-Le-Grand pour ce qui est des professeurs Alain Houlou et Souleymane Bachir Diagne, et avec eux, un ancien du prestigieux établissement voisin et parfois rival, le lycée Henri IV, pour ce qui est de Monsieur Moncef Follain, en poste à l’Ambassade de France au Sénégal, et vivant donc parmi nous depuis quelques mois déjà.
Vous me permettrez, Mesdames et Messieurs, de saisir cette heureuse occasion pour saluer Monsieur Michel Bouchaud, Proviseur du lycée Louis-Le-Grand, et chaleureusement le remercier d’avoir, de son précieux temps, pris celui de venir jusqu’à nous, pour se joindre à cet hommage rendu à un de ses illustres anciens élèves, dans le pays dont le premier président fut un autre de ses illustres anciens. Et à travers sa présence, sa personne, et sa prestigieuse fonction, il me plaît d’exprimer ma profonde gratitude à l’endroit de notre « alma mater », je veux dire notre commune mère nourricière qui m’a ouvert les portes d’une autre grande école française où j’ai appris mon métier.
Si j’insiste sur ce prestigieux établissement parisien c’est parce qu’avant moi, avant nous ici présents, deux jeunes élèves y avaient posé la pierre fondatrice d’une indéfectible amitié qui occupa leur presque siècle de vie avant d’entrer dans l’éternité. Cette amitié, ils l’ont cultivée puis transcendée et soudée dans une noble et mémorable aventure avec l’autre compagnon, Léon-Gontran Damas, l’enfant de la terre guyanaise.
Je n’irai pas plus avant dans le sujet de notre table ronde puisque des spécialistes, beaucoup plus qualifiés que moi, s’en chargeront juste après mon propos introductif. Mais, chef du gouvernement en charge de mettre en œuvre la politique du Président Macky Sall, j’aimerais dire à quel point il attache une importance toute particulière à l’éducation et à la formation des jeunes Sénégalais qui sont l’espoir de ce pays. Un pays qui doit sa stabilité, la qualité de l’écho de sa voix dans le concert des nations, ses succès diplomatiques et ses avancées démocratiques, moins à ses richesses matérielles dont il n’est pas beaucoup pourvu, mais bien à la qualité de sa richesse humaine, à celle aussi des fondements d’un jeune Etat, d’une Cité construite avec pour architecte Léopold Sédar Senghor.
Et quel meilleur exemple pour notre jeunesse que ces êtres exceptionnels qui sont à l’honneur à l’occasion de ce magnifique banquet de l’esprit, ce poignant rendez-vous du donner et du recevoir qui met en avant histoire, culture et mémoire. Nos hérauts, qui sont aussi nos héros, voguent parmi nos idéaux en nous inspirant le respect, en nous gonflant de courage, en nous abreuvant de savoir.
C’est à leur ombre tutélaire que nous allons nous asseoir aujourd’hui, et plus particulièrement à côté d’Aimé Césaire, le génial auteur du « Cahier d’un retour au pays natal », que nous avons choisi, pour le centenaire de sa naissance, de ramener parmi nous, sur la terre de ses origines.
Oui Mesdames et Messieurs, c’est un merveilleux symbole que d’honorer Aimé Césaire en Afrique, sa terre ancestrale, mais plus précisément au Sénégal, sa deuxième patrie, sa patrie de cœur, terre natale de son ami Léopold Sédar Senghor. Nous ramenons Césaire l’Antillais à ses racines africaines.
Aujourd’hui, Dakar est le centre de la mémoire douloureuse du monde noir, car notre capitale renoue les fils du passé pour mieux tisser les liens de l’avenir, pour un Universel réconcilié, comme dirait Césaire.
Pour terminer mon propos, je voudrais donner la parole à l’absent qui n’a jamais été aussi présent. Je voudrais donner la parole à l’ami fondamental, à Léopold Sédar Senghor qui, dans un texte qu’il signa en 1963, dans un ouvrage collectif consacré au quatrième Centenaire du Lycée Louis-le-Grand déclarait : On ne s’étonnera pas que parvenu au faîte des honneurs et sur mon âge déclinant, je songe, avec émotion, à mes années de Louis-le-Grand. A mes Maîtres, à mes camarades, dont j’ai tiré le meilleur de moi-même, je veux dire cet esprit d’humanité, qui me permet de juger les honneurs à leur juste mesure. Car ce qui compte, en définitive, c’est l’amitié et sa valeur.
Mesdames et Messieurs,
C’est l’amitié et sa valeur qui sont le fondement de cette rencontre de Dakar, autour des trois Pères de la Négritude. Nous rouvrons ainsi une page de l’histoire d’une fraternité et d’une amitié retrouvée et renouée entre les hommes d’un même peuple, séparés de part et d’autre de l’océan, et qui se retrouvent aujourd’hui sur la terre-mère pour mieux nous donner « la force de regarder demain ».
Cher modérateur, distingués intervenants, à vous de prendre le relais et de raconter la suite.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire