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dimanche 25 février 2024
Dimanche "non électoral" au Sénégal Article de Carole Assignon • 13 h
Depuis la décision du président Macky Sall de reporter la présidentielle initialement prévue ce 25 février, à une date toujours inconnue, les voix s'élevent pour protester.
Plusieurs centaines de Sénégalais ont manifesté ce samedi (24.2.2024) à Dakar, les uns pour presser le chef de l'Etat d'organiser la présidentielle avant la fin de son mandat le 2 avril, les autres pour défendre son bilan et son image écornée par le report de l'élection.
La très grande majorité des candidats qualifiés à la présidentielle, ainsi que le collectif citoyen Aar Sunu Election, ont par ailleurs rejeté le dialogue proposé par le chef de l'Etat pour fixer la date de l'élection et tenter de sortir de la crise. Une crise qui continue de soulever un certain nombre d'interrogations, notamment en ce qui concerne la démarche adoptée par le président Macky Sall et même les résultats de ce dialogue.
Ecoutez ou lisez l'analyse de Maurice Soudieck Dione, professeur agrégé en sciences politiques à l'université Gaston Berger de Saint-Louis au Sénégal, au sujet de cette situation au Sénégal.
DW : Qu'avez-vous pensé de la sortie médiatique (le 22 février, ndlr) du président Macky Sall ?
Maurice Soudieck Dione : Le président avait d'abord annoncé qu'il allait faire des consultations depuis la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Et bien après, il est resté pendant une semaine quand même, au cours de laquelle il dit avoir fait des concertations.
Là, on remarque qu'il passe des consultations à des concertations, donc on a perdu comme ça une semaine.
Et, ce qui est contradictoire, on a l'impression que le président de la République, en même temps qu'il dit vouloir appliquer la décision du Conseil constitutionnel, semble aussi la contredire parce que le Conseil constitutionnel a déjà arrêté les candidats à l'élection présidentielle qui se trouvent être au nombre de 19.
Et le président, dans le dialogue qu'il a annoncé, va y inclure les candidats qui ont été recalés par le parrainage. Et en ce moment là, on se pose la question de savoir quelle est la logique de cette décision.
DW : Est-ce que vous pensez que c'est aussi une stratégie pour le président Macky Sall de rester plus longtemps au pouvoir, même s'il promet de partir le 2 avril comme le prévoit la loi ?
Maurice Soudieck Dione : En réalité, je pense que c'est peut être une manœuvre visant peut être à mettre toutes les chances de son côté pour gagner l'élection.
Peut-être parce que déjà on a un candidat de l'ex-Pastef, en l'occurrence Bassirou Diomaye Faye, qui est candidat et le candidat du PDS... la candidature de Karim Wade a été invalidée.
Donc c'est comme si ses plans ont été bouleversés.
Et bien, il se dit que peut-être qu'il faut qu'il se ménage une marge de manœuvre afin de pouvoir faciliter, disons, des combinaisons politiques qui puissent être favorables à son camp.
DW : Un dialogue national est en tout cas prévu pour les lundi et mardi prochains. Au vu de la situation, est-ce qu'il y a des chances que ces assises aboutissent finalement à un calendrier électoral, qu'on ait un programme précis, qu'on sache à quelle date les Sénégalais iront finalement aux urnes ?
Maurice Soudieck Dione : Pour moi, c'est assez contradictoire parce qu'on a mis ensemble des intérêts différents et divergents.
On a eu près de 90 candidats déclarés, donc il y a 44 recalés du parrainage, si on y ajoute les 19 qui ont été retenus, vous voyez bien, on va se retrouver avec une cinquantaine de candidats, et ça, ce n'est pas jouable du point de vue organisationnel.
Donc, quelque part, moi, je ne comprends pas cette décision du président de ramener encore les recalés du parrainage, encore que c'est lui même qui a instauré le parrainage en 2018 sans débat ce qui a facilité sa réélection alors qu'il n'y avait que cinq candidats.
Et en 2024, nous sommes à 19 candidats et le Conseil constitutionnel a clairement arrêté la liste des candidats.
Et l'article 92 de la Constitution dit que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucune voie de recours et qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics, aux autorités administratives et juridictionnelles. Et c'est ce que le président avait rappelé aux recalés du parrainage.
Donc on ne comprend pas qu'il les ramène encore dans le jeu.
C'est une contradiction parce que si on veut encore régler des questions trop complexes que lui-même a créées à travers ces manipulations unilatérales du jeu, et bien on se retrouve dans une situation de transition démocratique. Et le Sénégal a dépassé cette situation-là.
C'est-à-dire qu'on mettra au moins deux ans avant d'organiser la présidentielle, ce qui n'est pas acceptable.
DW : Finalement, concrètement, à quoi va servir le dialogue ? Certains ont d'ailleurs déjà fait part de leur intention de ne pas y participer et parlent de tentatives de diversion. Est-ce que vous êtes de cet avis ?
Maurice Soudieck Dione : Oui, exactement. C'est une tentative de diversion.
La liste définitive a été arrêtée par le Conseil constitutionnel, alors on n'a qu'à fixer une date le plus rapidement ! Comme le Conseil constitutionnel l'a dit, "dans les meilleurs délais" pour qu'on aille à l'élection.
Si on va encore organiser un dialogue et mettre des revendications maximalistes dans le cadre de ce dialogue avec des intérêts contradictoires, avec une multiplicité d'acteurs, et bien, ça ne va pas marcher.
Le président est à deux mois de la fin de son mandat. Ce n'est pas à deux mois de la fin du mandat qu'il va essayer de s'entendre avec la classe politique. Il avait douze ans pour le faire.
On a eu deux alternances en 2000 et en 2012 et c'est un pays qui a une tradition démocratique bien ancrée, qui vote depuis 1848.
DW : A propos de démocratie justement, le Sénégal est présenté jusqu'à présent comme un modèle de démocratie. Avec la crise actuelle, que reste-t-il finalement de la crédibilité de Macky Sall ?
Maurice Soudieck Dione : L'histoire retiendra que c'est le premier président qui a arrêté une élection présidentielle à 10h de l'ouverture de la campagne électorale, ce qui est inédit.
Même dans les dictatures bananières, on n'a jamais vu un fait pareil. C'est vraiment une honte pour le Sénégal.
Auteur: Carole Assignon
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