Retard dans la confection des cartes biométriques: LA CENA dissèque les manquements
Mercredi 13 Décembre 2017
Perturbations occasionnées par le retard de l'acheminement du matériel électoral - La commission électorale nationale autonome fait le bilan des législatives du 30 juillet
La
commission électorale nationale autonome (Cena) a relevé de nombreux
manquements dans le processus des élections législatives du 30 juillet
dernier. dans son rapport rendu public hier, l’entité chargée de
contrôler et de superviser les élections au Sénégal a déploré le retard
dans la confection des cartes biométriques et les répercussions
engendrées durant le processus, les perturbations occasionnées par le
défaut ou le retard dans l’acheminement du matériel électoral, la
question des ordres de missions…
Conformément
au code électoral, la Cena a rendu public son rapport sur les élections
législatives tenues le 30 juillet dernier. Sans complaisance l’organe
chargé de contrôler et de superviser le processus électoral est revenu
en détail sur les différents manquements qui ont émaillé ce scrutin.
D’emblée, la Cena laisse entrevoir que les retards notés dans la
confection des cartes biométriques Cedeao faisant office de cartes
d’électeurs ont bousculé le calendrier électoral et occasionné de
nombreux dysfonctionnements dans l’enrôlement, temps imparti pour sa
réalisation posait problème à la production et la distribution des
cartes d’électeur.
En
effet, si l’idée de coupler la CNI à la carte d’électeur en perspective
des législatives était généreuse, le cause des délais fixés par le
calendrier électoral, lit-on dans le rapport de la Cena qui souligne
dans la foulée que le programme d’installation des centres d’instruction
de la nouvelle carte biométrique Cedeao et des commissions
administratives décliné au début n’a pas été respecté. Non sans indiquer
que pour le traitement des dossiers provenant de ces commissions
administratives, les sites de saisie des données étaient installés à des
endroits différents et éloignés les uns des autres. Le hic, d’après la
Cena, était l’absence d’interconnexion entre ces sites. Ce qui a rendu
la tâche parfois difficile, occasionnant des cas de saisies multiples du
même dossier, voire des omissions de dossiers.
«Les
commissions administratives d’inscription sur les listes électorales et
les points centraux de la saisie n’étant pas interconnectés non plus,
il fallait procéder à un transfert physique des données, ce qui comporte
des risques de perte », lit-on dans le rapport qui renseigne que la fin
de la saisie des dossiers, initialement prévue pour le 5 mai 2017, a dû
être reportée au mercredi 10 mai 2017 à 18 h. Cet arrêt s’imposait afin
de respecter le calendrier électoral et permettre d’entamer la
procédure de production des listes provisoires qui était fixée au 11 mai
2017. Non sans préciser que les dossiers qui n’étaient pas encore
traités furent classés comme « listes additives. Il a été également
signalé dans le rapport de la Cena que les inscriptions faites sur la
base d’un extrait de naissance datant d’au moins un (1) an accompagné
d’un certificat de résidence ont créé des problèmes dans certaines
localités. « C’est le cas du département de Goudiry où l’on a utilisé de
très nombreux extraits de naissance contenant des mentions dont
l’authenticité était sujette à caution. »
IMBROGLIO SUR LES LISTES ELECTORALES
La
Cena a soutenu par ailleurs que la publication des listes provisoires,
fixée au 11 mai 2017, a connu beaucoup de retard par endroits. Et elle
soutient que cette situation a eu un impact négatif sur la durée de la
période contentieuse, qui s’est déroulée du 12 au 26 mai 2017. Ainsi,
note-t-on, le nombre d’électeurs omis ou victimes d’erreur n’ont pas eu
suffisamment de temps pour exercer un recours. Et le rapport de préciser
: « la publication a été effectuée en dépit du fait qu’il existait des
dossiers non encore traités et qui seront versés dans des « listes
additives. Le cas des « listes additives » aura comme autre conséquence
que des personnes se sont retrouvées détentrices de leur carte
d’identité sans pour autant figurer sur les listes électorales, car la
saisie de leur dossier et l’édition de leur carte d’identité sont
intervenues après la publication des listes provisoires. Les listes
définitives hériteront des défauts des listes provisoires : elles ont
été publiées en tenant compte des listes dites « additives », car ces
dernières n’étaient pas prêtes au moment de la publication des listes
provisoires. Les listes d’émargement issues du fichier électoral
consolidé ne pouvaient, à leur tour, qu’hériter de ces lacunes.
L’exemple le plus éloquent est le cas de la dame Dieynaba Sène,
candidate élue sur la liste Bennoo Bokk Yaakaar dans la zone Europe de
l’Ouest, du Centre et du Nord, qui n’a pu voter parce que son nom ne
figurait pas sur la liste d’émargement. »
DISTRIBUTION DES CARTES D’ELECTEURS
Pour
ce qui est de la distribution des cartes d’électeur il a été relevé qu’
« entre le fichier général des électeurs (6 219 446) et le nombre de
cartes produites (5 297 530), il y a un gap de 921 916) cartes. Entre le
nombre de cartes produites (5 297 530) et le nombre de cartes livrées
aux autorités administratives (5 150 078), il y a un reliquat de 147 452
cartes. Entre le nombre de cartes livrées aux autorités administratives
et le nombre de cartes reçues par les commissions administratives de
distribution (5 071 600), il y a un gap de 78 478 cartes. En définitive,
entre le nombre de cartes reçues par les commissions administratives de
distribution et le nombre de cartes effectivement distribuées (3 421
138), il y a un reliquat de 1 650 462 cartes restant à distribuer. » A
côté des gaps dans la distribution des cartes, la Cena pense que la
décision des autorités du ministère de l’Intérieur d’expédier par la
suite, d’expédier les cartes en vrac vers les autorités locales pour se
charger du tri, est venu envenimer la situation. Elle estime que la
meilleure approche aurait été de renforcer les équipes de tri plutôt que
de faire partir des quantités de cartes, dont beaucoup n’avaient pas la
qualité requise. Ainsi, souligne le rapport, « la distribution des
cartes a donc connu de nombreuses difficultés dont certaines auraient pu
être évitées avec une meilleure planification des opérations. Dès lors,
les constats suivants peuvent être faits : Par manque d’information, de
nombreux citoyens ne savaient pas où se rendre pour récupérer leur
carte. Les commissions mobiles enrôlaient des personnes sans leur
préciser qu’elles devaient se rendre à la « commission mère » où elles
étaient rattachées pour récupérer leur carte. Les populations n’étaient
pas régulièrement informées des délocalisations des commissions de
distribution des cartes. Du fait de la « compétence nationale » des
commissions, des citoyens en déplacement à l’intérieur du territoire
national se sont inscrits sur place sans savoir que pour le retrait de
leur carte, il leur faudrait retourner à leur commission d’inscription,
confusions sur l’identité… ».
Par
ailleurs, la Cena a déploré des retards dans l’installation du matériel
et des documents électoraux. Il est noté dans le rapport, le manque,
voire l’absence totale de bulletins de certaines coalitions dans des
bureaux de vote tant au plan national qu’à l’extérieur. La Cena demande
également de veiller à ce que le calendrier électoral soit mieux
maîtrisé afin d’éviter ’organisation d’élection pendant la saison des
pluies.
CAS DES PRIMO-INSCRITS ET VOTE AVEC AUTRES DOCUMENTS QUE LA CARTE BIOMETRIQUE CEDEAO
Cependant,
il convient de signaler des dysfonctionnements de diverses natures dans
l’organisation qui ont parfois empêché des citoyens d’exercer leur
devoir civique. Il s’agit notamment des situations suivantes : « le fait
de permettre à l’électeur n’ayant pu retirer sa carte d’identité Cedeao
faisant office de carte d’électeur, mais dont l’inscription sur les
listes électorales est vérifiée, peut voter sur présentation de son
récépissé d’inscription accompagné soit d’une carte d’identité nationale
numérisée, soit d’une carte d’électeur numérisée, soit d’un passeport,
soit d’un document d’immatriculation pour les primo-inscrits non
détenteurs d’un des trois premiers documents administratifs. » Et la
Cena de mentionner que les parmi les détenteurs des trois premiers
documents (carte d’identité numérisée, carte d’électeur numérisée,
passeport), nombre d’entre eux ignoraient l’emplacement de leur lieu de
vote ou de leur bureau de vote. S’agissant des primo-inscrits, dit-il ;
il faut noter que la confection du document d’immatriculation a été
stoppée la veille du scrutin sur instruction de la hiérarchie du
ministère de l’Intérieur. « Du reste, la quasitotalité de ces
primo-inscrits ne figuraient pas sur les listes d’émargement des bureaux
de vote. En plus du fait que beaucoup d’électeurs munis de leurs cartes
d’identité biométriques Cedeao ne figurent pas sur les listes
d’émargement des bureaux de vote ou bien ne figurent pas sur les listes
d’émargement des bureaux de vote indiqués sur leurs cartes, indique le
rapport. »
LA CENA DEMANDE DE PROCEDER A L’EVALUATION DU VOTE PAR ORDRE DE MISSION ET APPORTER LES CORRECTIFS NECESSAIRES
La
Cena indique qu’au cours des travaux sur la publication des résultats,
des représentants de listes ont eu à évoquer le fait que de très
nombreux ordres de mission, dénombrant environ sept mille (7 000) dans
les bureaux de vote. « Interpellée sur cette question, la Commission
nationale de recensement des votes (Cnrv) a suggéré aux requérants de
déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel », raconte la Cena
qui soutient toutefois que si la Cnrv n’avait pas compétence pour se
pencher sur le sujet, il faut souligner que la question des ordres de
mission est importante et doit faire l’objet d’une évaluation ultérieure
». Tout compte fait, la Cena a recommandé d’allonger le délai imparti
aux Commissions de recensement départementales des votes (Crdv), de
procéder à l’évaluation du vote par ordre de mission et apporter les
correctifs nécessaires et enfin de veiller à améliorer le système de
remontée des données pour le vote à l’étranger », lit-on dans le
rapport.
RETARD SUR LE DEPOT DES PROCES-VERBAUX
Toujours
pour la Cena, il importe de noter que : « la commission départementale
de recensement des votes de Dakar n’a déposé son procès-verbal que dans
la nuit du 3 au 4 août alors qu’aux termes de l’article L.86-4 du Code
électoral, la Cdrv « publie les résultats au plus tard à 12 h le mardi
qui suit le scrutin. » D’autres Cdrv ont accusé des retards, qui n’ont
pas été aussi longs que celui du département de Dakar. Bien qu’aucune
requête n’ait été émise sur ce retard au niveau des Cdrv, il est à
rappeler qu’aux termes de l’article L.86-5 du Code électoral : « Si le
procèsverbal n’a pu être établi dans les délais impartis, le président
transmet les documents accompagnés d’un rapport au Président de la
Commission nationale de recensement des votes. »
CHIFFRES CLES DU PROCESSUS ELECTORAL
«
Pour les législatives du 30 juillet, le fichier général était de six
millions deux cent dix-neuf mille quatre cent quarante-six (6 219 446)
électeurs, dont cinq millions neuf cent cinquante-deux mille
quatre-vingt-dix (5 952 090) sur le territoire national et deux cent
soixante-sept mille trois cent cinquante- six (267 356) pour les
Sénégalais de l’extérieur. La carte électorale a subi une extension
sensible en bureaux de vote aussi bien au plan national qu’à l’étranger à
cause de l’augmentation du nombre d’inscrits et de la réduction du
nombre maximal d’électeurs par bureau de vote, qui est passé de neuf
cents (900) à six cents (600). Le nombre des bureaux de vote a été
arrêté au niveau national à treize mille neuf cent quatre-vingt-neuf (13
989) et à six cent quarante-cinq (645) à l’étranger. »
DEPENSES ELECTORALES
«
Le budget électoral de la Cena a été arbitré à la somme de 1 milliard
(1 000 000 000) de francs qui selon la Cena a servi à faire face à un
certain nombre de dépenses relatives à l’achat de matériel électoral, à
l’acheminement de documents vers l’étranger, ainsi qu’à la formation et
au paiement des indemnités des contrôleurs et superviseurs présents dans
les bureaux de vote. Au total, les dépenses électorales s’élèvent à 911
107 980 répartis comme suit : « S’agissant des dépenses afférentes au
matériel électoral, elles ont été arrêtées à la somme de cent quatre
millions cent onze mille quatre cents (104 111 200) francs, alors que
l’acheminement des documents vers l’étranger a coûté trois millions
trois cent soixante-douze mille six cents francs (3 372 600). En ce qui
concerne le règlement des indemnités et la formation, la Cena a transmis
les montants de six cent quatre-vingt-onze millions deux cents (691 000
200) francs et cent douze millions six cent vingt-trois mille neuf cent
quatre-vingts (112 623 980) francs respectivement pour les Ceda et les
Decena» . Tout ceci, c’est sans compter les dépenses liées à la phase
préparatoire, comme les inscriptions sur les listes électorales, ne sont
pas comptabilisées.
AAD Senxibar
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire