[Parcours] Ndiaga Ndiaye : Henry Ford du baol !
Par: Thiébeu NDIAYE -Seneweb.com | 11 juillet
[Parcours] Ndiaga Ndiaye : Henry Ford du baol !
Ndiaga Ndiaye a rejoint hier, vendredi 10 juillet 2020, Henry Ford au panthéon des géants de l'automobile et du transport, à l’âge de 89 ans. Retour sur le parcours atypique du baol-baol qui a révolutionné le transport au Sénégal.
Au banquet des grands noms du transport et du secteur de l'automobile, Ndiaga Ndiaye s’est taillé une modeste petite place. Et le modeste héritier sénégalais de Henry Ford, le célèbre constructeur automobile américain, n'aura pas à rougir à leurs côtés. Puisqu'il a réussi, à sa manière et avec de maigres moyens, l'une des plus grandes révolutions qu'a connu notre pays, le Sénégal.
Il n'a certes pas réinventé la roue, ni développé le premier moteur à explosion comme Gottlieb Daimler, mais il a réussi à apposer son nom en lettres d’or dans les annales du transport sénégalais. Son grand mérite est d'avoir révolutionné le transport dans la capitale sénégalaise et dans une bonne partie des régions de l'intérieur du pays.
Le baol-baol bon teint que rien ne prédestinait au transport, a ravi la vedette à Paul Daimler, Carl Benz et Emil Jellinek-Mercedes, ces concepteurs du constructeur allemand Mercedes-Benz, sur un de leur propre produit : la 508d. Ce véhicule utilitaire allemand des années 1980, porte depuis près de 30 ans, sous nos cieux, le nom de ‘’Ndiaga Ndiaye’’.
En effet, c’est vers 1983 que Ndiaga Ndiaye a commencé à transformer la Mercedes-Benz 508d, un véhicule de transport de marchandise à la base, pour en faire une voiture de transport en commun, l’un des moyens de transport en commun les plus populaires au Sénégal. Ça a été un succès éclatant de sorte que le nom de Ndiaga Ndiaye est indissociablement rattaché à la 508d. Mieux, Ndiaga Ndiaye est devenu plus qu'un simple transporteur. Il est aujourd’hui une marque déposée, un label.
Ancien apprenti-chauffeur saisonnier
Mais les choses n’ont pas été facile pour ‘’Gorgui’’. En effet, la vie lui a très tôt donné des coups durs. Né en 1931 à Darou Mousty (Louga), Ndiaga Ndiaye a très tôt perdu sa mère, à l’âge de 2 ans. Le môme est envoyé au Dahra Irada à Taïf par son père, fervent mouride. Après l’apprentissage des textes sacrés, le jeune homme qui rêvait d’un avenir plus reluisant, loin de l’agriculture trop dépendante de la pluviométrie et des caprices de dame nature, tente sa chance à Mbacké où la vie était plus dynamique.
C’est là-bas qu’il est tombé sous le charme des véhicules. En attendant d’en posséder une, il décide de devenir apprenti-chauffeur pendant la saison sèche. A l’époque, il n’y avait que quelques rares véhicules de transport en commun qui assuraient la desserte entre la capitale du Mouridisme et la capitale administrative du Sénégal, Dakar.
Mais, son vœu d’acquérir fut ‘’exaucé’’ par la rencontre avec l’ancien Khalife général des mourides, Serigne Bara Mbacké, fils du deuxième Khalife de Bamba, Serigne Fallou, avec qui Ndiaga entretenait d’excellents rapports. Permis en poche en 1955 à Saint-Louis après une longue quête, le rêve de Ndiaga Ndiaye commence à prendre forme. Il acquiert son premier véhicule, une ‘’7 places’’, et assure la desserte Dakar-Darou Mousty pendant une vingtaine d’années, en serrant la ceinture.
Les péripéties de la révolution Ndiaga Ndiaye
Il parvient à acquérir des dizaines de Mercedes 508d usagées et érige deux garages à Thiès et à Dakar. Avec l’aide de ses mécaniciens, il arrive à réadapter ces vieilles guimbardes de transport de marchandise pour en faire des voiture de transport en commun révolutionnaire dans un contexte où la demande était très forte aussi bien à Dakar que dans les autres villes du pays.
Pour répondre à la demande sans cesse croissante, Ndiaga assure lui-même la coordination de son système, désignant lui-même les chauffeurs choisis parmi les meilleurs de l’époque, assurant lui-même la comptabilité et l’achat des nouveaux véhicules et coordonnant les opérations de maintenance du parc qui se faisait dans ses propres garages mécaniques pour éviter de se faire rouler dans la farine.
Un empire de 355 bus en 1986
Le baol-baol finit par créer un empire et ses véhicules se comptaient par centaines. Son parc était estimé à pas moins de 355 véhicules ‘’Ndiaga Ndiaye’’ en 1986 et monopolisait plus de 90% du transport urbain et interurbain faisant de l’ombre à ses concurrents qui se partageaient la ‘’portion congrue’’ de 10%. Son empire était si puissant qu’en 1985, l’Etat du Sénégal a fait appel à lui pour assurer le service public durant la grève des travailleurs de la défunte Sotrac, ancêtre de l’actuel Dakar Dem Dikk.
Ce ‘’patriotisme’’ lui avait valu les vives remerciements de l’Etat. Il a d’ailleurs reçu à l’époque la médaille de l’Ordre National du Lion des mains du président Abdou Diouf. Si Ndiaga Ndiaye en est arrivé là, c’est à force de persévérance et de rigueur dans le travail qu’il a inculqué à ses enfants qui ont la charge de reprendre le flambeau. Et Pape Moussa Ndiaye, son fils chargé de coordonner les travaux au garage de Thiaroye, ne dira pas le contraire lui qui a su, à ses dépends, que son père était intransigeant sur certains principes.
Renouvellement du parc en bus Tata
« Il m’avait donné rendez-vous au garage, je suis arrivé à 5 heures 25, il a crevé les quatre pneus de mon véhicule avec son couteau» narre-t-il. En effet, Ndiaga, lève-tôt, ne badinait pas sur la ponctualité. La philosophie qu’il a inculqué à ses enfants, c’est que dans la vie, rien n’est donné, tout s’acquière dans la persévérance et la rigueur. Ainsi, il ne fait aucune faveur à ses enfants. Tous ceux parmi eux qui ont réussi à faire une place dans l’empire pour assurer la relève, ont dû trimer dur.
Aujourd’hui à l’ère de nouveau bus de transport, Ndiaga Ndiaye a dû s’adapter à la nouvelle donne pour survivre. Ses célèbres guimbardes qui ont fait aujourd’hui sa notoriété, sont troquées avec des bus Tata. D’ailleurs, il est le propriétaire d’un des plus grands parcs de bus Tata du pays. Un parc géré par son fils, Djiby Ndiaye.
Parti de rien, Ndiaga Ndiaye est un modèle de réussite pour les Sénégalais. En 2015, El Hadj Ndiaga Ndiaye avait d’ailleurs été élevé par le chef de l’Etat Macky Sall au grade de Grand officier de l’ordre national du mérite.
Le magnat du transport sénégalais, repose désormais à son Darou Mousty natal. Que la terre lui soit légère !
Au banquet des grands noms du transport et du secteur de l'automobile, Ndiaga Ndiaye s’est taillé une modeste petite place. Et le modeste héritier sénégalais de Henry Ford, le célèbre constructeur automobile américain, n'aura pas à rougir à leurs côtés. Puisqu'il a réussi, à sa manière et avec de maigres moyens, l'une des plus grandes révolutions qu'a connu notre pays, le Sénégal.
Il n'a certes pas réinventé la roue, ni développé le premier moteur à explosion comme Gottlieb Daimler, mais il a réussi à apposer son nom en lettres d’or dans les annales du transport sénégalais. Son grand mérite est d'avoir révolutionné le transport dans la capitale sénégalaise et dans une bonne partie des régions de l'intérieur du pays.
Le baol-baol bon teint que rien ne prédestinait au transport, a ravi la vedette à Paul Daimler, Carl Benz et Emil Jellinek-Mercedes, ces concepteurs du constructeur allemand Mercedes-Benz, sur un de leur propre produit : la 508d. Ce véhicule utilitaire allemand des années 1980, porte depuis près de 30 ans, sous nos cieux, le nom de ‘’Ndiaga Ndiaye’’.
En effet, c’est vers 1983 que Ndiaga Ndiaye a commencé à transformer la Mercedes-Benz 508d, un véhicule de transport de marchandise à la base, pour en faire une voiture de transport en commun, l’un des moyens de transport en commun les plus populaires au Sénégal. Ça a été un succès éclatant de sorte que le nom de Ndiaga Ndiaye est indissociablement rattaché à la 508d. Mieux, Ndiaga Ndiaye est devenu plus qu'un simple transporteur. Il est aujourd’hui une marque déposée, un label.
Ancien apprenti-chauffeur saisonnier
Mais les choses n’ont pas été facile pour ‘’Gorgui’’. En effet, la vie lui a très tôt donné des coups durs. Né en 1931 à Darou Mousty (Louga), Ndiaga Ndiaye a très tôt perdu sa mère, à l’âge de 2 ans. Le môme est envoyé au Dahra Irada à Taïf par son père, fervent mouride. Après l’apprentissage des textes sacrés, le jeune homme qui rêvait d’un avenir plus reluisant, loin de l’agriculture trop dépendante de la pluviométrie et des caprices de dame nature, tente sa chance à Mbacké où la vie était plus dynamique.
C’est là-bas qu’il est tombé sous le charme des véhicules. En attendant d’en posséder une, il décide de devenir apprenti-chauffeur pendant la saison sèche. A l’époque, il n’y avait que quelques rares véhicules de transport en commun qui assuraient la desserte entre la capitale du Mouridisme et la capitale administrative du Sénégal, Dakar.
Mais, son vœu d’acquérir fut ‘’exaucé’’ par la rencontre avec l’ancien Khalife général des mourides, Serigne Bara Mbacké, fils du deuxième Khalife de Bamba, Serigne Fallou, avec qui Ndiaga entretenait d’excellents rapports. Permis en poche en 1955 à Saint-Louis après une longue quête, le rêve de Ndiaga Ndiaye commence à prendre forme. Il acquiert son premier véhicule, une ‘’7 places’’, et assure la desserte Dakar-Darou Mousty pendant une vingtaine d’années, en serrant la ceinture.
Les péripéties de la révolution Ndiaga Ndiaye
Il parvient à acquérir des dizaines de Mercedes 508d usagées et érige deux garages à Thiès et à Dakar. Avec l’aide de ses mécaniciens, il arrive à réadapter ces vieilles guimbardes de transport de marchandise pour en faire des voiture de transport en commun révolutionnaire dans un contexte où la demande était très forte aussi bien à Dakar que dans les autres villes du pays.
Pour répondre à la demande sans cesse croissante, Ndiaga assure lui-même la coordination de son système, désignant lui-même les chauffeurs choisis parmi les meilleurs de l’époque, assurant lui-même la comptabilité et l’achat des nouveaux véhicules et coordonnant les opérations de maintenance du parc qui se faisait dans ses propres garages mécaniques pour éviter de se faire rouler dans la farine.
Un empire de 355 bus en 1986
Le baol-baol finit par créer un empire et ses véhicules se comptaient par centaines. Son parc était estimé à pas moins de 355 véhicules ‘’Ndiaga Ndiaye’’ en 1986 et monopolisait plus de 90% du transport urbain et interurbain faisant de l’ombre à ses concurrents qui se partageaient la ‘’portion congrue’’ de 10%. Son empire était si puissant qu’en 1985, l’Etat du Sénégal a fait appel à lui pour assurer le service public durant la grève des travailleurs de la défunte Sotrac, ancêtre de l’actuel Dakar Dem Dikk.
Ce ‘’patriotisme’’ lui avait valu les vives remerciements de l’Etat. Il a d’ailleurs reçu à l’époque la médaille de l’Ordre National du Lion des mains du président Abdou Diouf. Si Ndiaga Ndiaye en est arrivé là, c’est à force de persévérance et de rigueur dans le travail qu’il a inculqué à ses enfants qui ont la charge de reprendre le flambeau. Et Pape Moussa Ndiaye, son fils chargé de coordonner les travaux au garage de Thiaroye, ne dira pas le contraire lui qui a su, à ses dépends, que son père était intransigeant sur certains principes.
Renouvellement du parc en bus Tata
« Il m’avait donné rendez-vous au garage, je suis arrivé à 5 heures 25, il a crevé les quatre pneus de mon véhicule avec son couteau» narre-t-il. En effet, Ndiaga, lève-tôt, ne badinait pas sur la ponctualité. La philosophie qu’il a inculqué à ses enfants, c’est que dans la vie, rien n’est donné, tout s’acquière dans la persévérance et la rigueur. Ainsi, il ne fait aucune faveur à ses enfants. Tous ceux parmi eux qui ont réussi à faire une place dans l’empire pour assurer la relève, ont dû trimer dur.
Aujourd’hui à l’ère de nouveau bus de transport, Ndiaga Ndiaye a dû s’adapter à la nouvelle donne pour survivre. Ses célèbres guimbardes qui ont fait aujourd’hui sa notoriété, sont troquées avec des bus Tata. D’ailleurs, il est le propriétaire d’un des plus grands parcs de bus Tata du pays. Un parc géré par son fils, Djiby Ndiaye.
Parti de rien, Ndiaga Ndiaye est un modèle de réussite pour les Sénégalais. En 2015, El Hadj Ndiaga Ndiaye avait d’ailleurs été élevé par le chef de l’Etat Macky Sall au grade de Grand officier de l’ordre national du mérite.
Le magnat du transport sénégalais, repose désormais à son Darou Mousty natal. Que la terre lui soit légère !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire