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lundi 16 mai 2016

Le 15 mai 2016, il y a 25 ans jour pour jour que disparaissait l'écrivain.

Ce dimanche 15 mai 2016, cela fait 25 ans qu’Amadou Hampâté Bâ mourrait à Abidjan. Ecrivain, ethnologue, philosophe et même premier ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire, Hampâté Bâ est une figure majeure de la culture africaine. Pour parler de son œuvre, l’Invité Afrique reçoit Roukiatou Hampâté Bâ, responsable de la fondation Hampâté Bâ et fille du grand homme ; elle répond aux questions de Frédéric Garat.

RFI: Nous sommes aujourd’hui dimanche 15 mai 2016, c’est une date anniversaire un peu triste mais anniversaire tout de même. C’est la commémoration des 25 ans du décès de votre père. Vous avez organisé ici, à la fondation Hampâté Bâ, un certain nombre de cérémonies, avec des enfants notamment. Quel est le sens que vous vouliez donner à ces 25 ans et à ces commémorations ?


Le 15 mai 2016, il y a 25 ans jour pour jour que disparaissait l'écrivain.
Roukiatou Hampâté Bâ: Il était important qu’on marque un arrêt pour voir ce qui restait de cet héritage, vingt-cinq ans après. Il s’est agi, pour nous, d’associer les enfants parce que Hampâté Bâ disait qu’il n’a jamais cessé d’être un enfant lui-même. Par ailleurs, et contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, la fameuse phrase « En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » a été diversement interprétée. Certains ont même cru qu’il faisait l’apologie de la gérontocratie. Loin s’en faut, parce qu’il disait que « Mal a pris un vieillard qui disputerait l’avenir à la jeunesse » car les vieillards regardent l’avenir mais l’avenir regarde les jeunes. Il disait aussi que les idées de vieillards étaient des idées de cimetière et qu’il fallait les semer dans la tête des jeunes pour qu’elles vivent.
Dans un de ses écrits, une des lettres qu’il adressait à ses cadets, il prônait une mutuelle compréhension à une époque où, dans la sous-région, on a des mouvements comme par exemple Boko Haram qui dénient le droit à l’éducation, notamment à l’éducation des femmes, où on détruit des mausolées, dans votre pays par exemple, au nom de la religion. Est-ce que cette mutuelle compréhension a encore une place ou est-ce qu’il faut se battre pour cela ?

Je pense que, plus que jamais, cette mutuelle compréhension a une place. Les racines de tous ces actes socialement et moralement répréhensibles ont aussi une base dans la culture et donc, plus que jamais, il faut revisiter les valeurs fondamentales que sont les valeurs d’humanisme, d’acceptation de l’autre, d’acceptation de la différence. Il a dit que « la beauté d’un tapis vient de la diversité de ses couleurs » et que s’il n’y avait que le blanc, ce serait un drap blanc ; que s’il n’y avait que le noir, un pagne de deuil.

L’homme cependant, de nos jours, lorsqu’il embrasse une religion, c’est sa religion qui est la meilleure. Lorsqu’il appartient à une ethnie, il faut la suprématie de celle-ci sur les autres. Il y a donc une mauvaise interprétation qui est faite, même par rapport à l’islam. Il disait qu’il ne faudrait pas confondre l’islam avec des actes que certains musulmans posent qui n’ont rien à voir avec l’islam car, précisait-il, les fondamentaux de toutes les religions se valent. Aussi, nous ne comprenons pas que des gens, au nom d’une quelconque religion, puissent poser certains actes.

Ce qui signifie que s’il était encore vivant, à côté de nous aujourd’hui, il déchanterait pas mal par rapport à l’évolution du monde et, particulièrement, par rapport à l’évolution de l’Afrique, en tout cas de cette Afrique de l’Ouest ?

En tant que visionnaire, il sentait ce désenchantement et ces actes qui viendraient. Mais à côté de cela, il voulait qu’on érige d’autres valeurs à savoir, un monde plus fraternel, un monde où les gens seraient imprégnés de leur socle culturel. Il disait, en effet, qu’il faut d’abord se connaître soi-même. Une fois que tu te connais, tu te cherches pour te trouver en l’autre et ensuite pouvoir l’aimer. Mais des gens qui n’ont pas trouvé leur propre voie, qui ne se connaissent pas, comment voulez-vous qu’ils puissent être en harmonie avec les autres s’ils ne sont pas en harmonie avec eux-mêmes ? C’est difficile.

Nous sommes ici à la fondation Amadou Hampâté Bâ. Quelle est l’activité ? Quelles sont les personnes qui fréquentent votre fondation ?

En plus des œuvres publiées, Amadou Hampâté Bâ a accumulé pendant plus de 75 années, des manuscrits qui sont partiellement édités. Nous en avons une bonne partie qui ne l’est pas encore et qui demeure sur des supports très fragiles. S’ils venaient à disparaître, c’est un pan de l’histoire d’Afrique et de l’humanité qui disparaîtrait avec elle. Et donc, il faudrait vraiment que la bibliothèque puisse survivre à celui qui l’a mise en place. C’est pour cela qu’à la fondation, nous nous battons pour la sauvegarde de ces manuscrits. C’est même la raison d’être de la fondation.

Nous avons donc initié la numérisation des manuscrits mais ce n’est que partiel et c’est un appel urgent que nous lançons à toute personne de bonne volonté et soucieuse de préserver cette mémoire qu’un pan de l’histoire de l’Afrique et de l’humanité ne doit pas s’engloutir. Nous appelons toute personne à nous appuyer pour nous aider à sauvegarder ce patrimoine-là. Nous avons cette salle d’archives qui contient ces manuscrits ; nous avons aussi une bibliothèque qui est constituée de plus de 3 000 ouvrages qui sont des livres que Hampâté Bâ a lus, annotés et qui lui tenaient à cœur, qui lui étaient très chers. Je pense qu’une étude de la bibliothèque pourrait permettre de voir l’esprit encyclopédique d’Hampâté Bâ concernant la culture, la géographie et même les mathématiques… en tout cas, tous les domaines de la connaissance. Il s’intéressait à tout. C’était un esprit ouvert.

Merci d’avoir bien voulu vous associer à cette célébration du 25ème anniversaire.

RFI vous informe que le vendredi 20 mai, son œuvre « Kaïdara » sera jouée à l’Institut français d’Abidjan.

dakaractu

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